Si l’âge de la retraite approche et que vous comptez débloquer votre plan d’épargne retraite (PER) pour récupérer intégralement votre capital, réfléchissez-y à deux fois. Vous risquez de subir une imposition très lourde : si vous avez opté pour la déduction de vos versements volontaires et profité d’un avantage fiscal “à l’entrée”, attention au revers de la médaille lors de la liquidation du produit. “A la sortie”, ces versements sont soumis au barème de l’impôt. Les intérêts sont pour leur part grevés par une “flat tax”, un prélèvement de 30% incluant 17,2% de prélèvements sociaux, ou, sur option, imposés au barème de l’impôt sur le revenu (+ 17,2% de prélèvements). Si vous débloquez votre capital en une seule fois, vous risquez donc de voir votre impôt sur le revenu exploser, notamment du fait du changement de votre tranche marginale d’imposition (TMI) induit par l’augmentation massive de vos revenus imposables. Un comble alors que le PER est justement plébiscité pour l’avantage fiscal qu’il octroie.
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Pensez aux rachats fractionnés
Faut-il, dans ces conditions, se désintéresser de la liquidation en capital au profit d’une sortie en rentes ? Cette option pourrait en effet sembler logique puisqu’en lissant régulièrement la perception de vos revenus, vous évitez ainsi tout ressaut d’imposition. Pour autant, la sortie en capital reste un excellent choix, à condition de s’y prendre comme il faut. “La sortie en capital est fiscalement pertinente si l’on sort intelligemment de son PER. Il faut être très précis dans le rythme de liquidation, explique Pierre-Emmanuel Sassonia, directeur associé chez Eres, société de conseil et de gestion spécialisée en épargne retraite. Ce qu’il faut faire pour limiter son imposition, c’est privilégier le rachat partiel.” Car vous ne le savez peut-être pas mais le plan d’épargne retraite prévoit la faculté de sortir en capital en une seule fois mais aussi en plusieurs. L’objectif étant d’éviter un “saut de tranche”, il vous suffit donc de définir la somme que vous pouvez débloquer tout en restant à votre TMI actuelle. Le tout, bien sûr, en fonction de votre besoin de complément de revenus.
Comme un exemple est toujours plus parlant, nous avons demandé au cabinet Eres de réaliser plusieurs simulations. Tout d’abord pour une personne seule déclarant 30.000 euros de pension à la retraite (TMI de 30%) et débloquant son PER sur lequel la part des versements atteint 100.000 euros. En temps normal, son impôt sur le revenu se limite à 2.118 euros. En liquidant son plan en une seule fois, son impôt sur le revenu va grimper à 38.017 euros, soit un supplément d’impôt lié au déblocage “one shot” de 35.899 euros ! En limitant ses rachats à 46.000 euros pour rester dans la TMI de 30% (jusqu’à 73.516 euros de revenus en 2021) et en débloquant donc son PER sur trois années (46.000 euros les deux premières années puis 8.000 euros la dernière), l’impôt subi en plus sur l’ensemble de ces trois années sera de 30.000 euros. Il économisera donc 5.899 euros avec cette stratégie. A noter que l’économie serait la même en lissant le rachat sur 5 ou 10 ans.
Pour un célibataire déclarant 60.000 euros de pension et qui débloque en une fois son PER (toujours 100.000 euros de capital), l’impôt sur le revenu s’élèvera à 48.869 euros, soit un surplus de 39.106 euros par rapport à l’impôt dont il doit s’acquitter en temps normal (10.863 euros). Mais en rachetant sur 6 ans son PER, soit 17.000 euros pendant 5 ans puis 15.000 euros la dernière année, l’impôt total supporté en plus se bornera à 30.000 euros. Notre célibataire réalisera ainsi pas moins de 9.106 euros d’économies d’impôt !
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Autre avantage : comme sur un contrat d’assurance vie dans le cadre d’un rachat partiel, vous pouvez retirer une partie de vos économies, tout en continuant d’effectuer des versements. Et ce, d’ailleurs, que vous soyez ou non en âge de partir à la retraite et donc de liquider votre PER. “Cela vaut par exemple pour l’achat de la résidence principale pour lequel vous n’êtes pas obligé de débloquer intégralement votre capital”, illustre Pierre-Emmanuel Sassonia.
Transférez votre PER
Attention cependant, car votre PER ne prévoit pas forcément l’option pour le rachat fractionné. Si votre contrat ne permet pas d’effectuer de telles opérations, vous avez alors tout intérêt à transférer votre plan. A noter que des frais peuvent vous être facturés si votre plan à moins de 5 ans, et dans la limite de 1% de l’épargne accumulée. Une fois ce délai écoulé, plus rien à craindre de ce côté, les frais étant supprimés. De plus, “passé l’âge de la retraite, le transfert est forcément gratuit”, indique le directeur associé d’Eres. Charge à vous ensuite de repérer le PER dont les modalités vous semblent le plus convenir à vos besoins, en fonction notamment du nombre de rachats qu’il permet. Car les possibilités de déblocage partiel ne sont pas infinies : “Certains assureurs limitent par exemple à 5 le nombre de rachats fractionnés”, avertit Pierre-Emmanuel Sassonia.
Ne liquidez pas votre PER pour mieux transmettre
Le rachat fractionné, précédé d’un transfert le cas échéant, n’est pas votre seule option pour limiter votre impôt. Tout dépend en réalité de vos objectifs et de vos besoins. Si vos revenus à la retraite ne vous suffisent pas, le déblocage s’impose. Mais que faire de votre PER si vous ne comptez pas sur cette ressource pour maintenir votre niveau de vie ? La réponse est simple : conservez-le ! Le raisonnement est limpide. En débloquant votre PER en capital, vos revenus imposables augmentent mécaniquement, même avec des rachats programmés. Autant d’impôt supplémentaire, – et inutile -, sur des sommes dont vous n’avez pas besoin… Si vous souhaitez transmettre votre PER à vos héritiers à votre décès et leur permettre de profiter d’une fiscalité de faveur, garder votre plan est donc la meilleure solution. Car sur un PER assurantiel, – dessiné sur le modèle de l’assurance vie en opposition à un PER bancaire ou compte-titres -, chaque bénéficiaire profite d’un abattement de 152.500 euros (incluant les sommes transmises en assurance vie). “Cet avantage fiscal est accordé pour un décès avant 70 ans, pointe Pierre-Emmanuel Sassonia. Il est réduit à 30.500 euros, pour l’ensemble des bénéficiaires, pour tout décès après 70 ans.” Contrairement à un contrat d’assurance vie classique, c’est donc l’âge du décès, et non celui auquel les versements ont été effectués, qui doit être pris en compte.
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Mais l’avantage reste certain pour vos héritiers. “C’est un superbe outil de planification en termes de succession”, explique Pierre-Emmanuel Sassonia. Enfin, les plus-values (intérêts) sur le contrat ne sont pas taxées au moment de la succession.
Mieux encore, si vous avez désigné votre conjoint comme bénéficiaire de votre contrat, les encours seront totalement exonérés de droits de succession à votre décès. Raison de plus pour ne pas débloquer votre PER si votre situation financière ne l’impose pas.
Optez pour le quotient
Si votre besoin de liquidités est immédiat lors de votre passage à la retraite et que vous souhaitez malgré tout débloquer votre capital en une seule fois, vous n’échapperez pas à une nette hausse d’impôt sur le revenu. Le ressaut d’imposition peut toutefois être atténué en optant pour le quotient. En choisissant ce mécanisme fiscal, votre supplément d’impôt dû à ce revenu exceptionnel sera minoré, car calculé sur le quart de la somme perçue. Ce montant est ensuite multiplié par 4 puis ajouté à votre impôt sur le revenu. La progressivité de votre impôt sera donc limitée. Un moindre mal si vous n’avez d’autre choix que de débloquer votre PER intégralement. Pour activer ce mécanisme, vous devez penser à indiquer le montant débloqué (100.000 euros dans notre exemple) dans la case 0XX de la déclaration complémentaire des revenus (Formulaire 2042C). Prenez alors soin de soustraire cette même somme de vos revenus préremplis dans le formulaire de base de déclaration des revenus (2042).
En reprenant notre exemple d’un célibataire déclarant 30.000 euros de pension de retraite et débloquant son PER (100.000 euros en capital), le mécanisme du quotient lui permet de gagner 5.899 euros d’impôt, soit autant qu’avec des rachats fractionnés. En revanche, si notre célibataire perçoit 60.000 euros de pension, l’avantage du quotient se limitera à 5.682 euros. Soit 3.424 euros d’économies en moins par rapport à un rachat sur 6 ans.
article extrait de capital THIBAUT LAMY – PUBLIÉ LE 04/12/2020 À 17H37MIS À JOUR LE 07/12/2020 À 17H46